Amnésie temporaire

Abzalon

Abzalon... Je me rends compte, alors que j'ai refermé le livre il y a peu de temps, qu'au fil des chapitres je m'étais habitué à cet être hors norme. Mais foin de commentaires trop sentimentaux, commençons par le début.

AbzalonJ'apprécie en général qu'une quatrième de couverture me mette l'eau à la bouche, me promette monts et merveilles, m'appate avec des aventures extraordinaires et des personnages fascinants. Et là, je dois bien avouer ma déception. J'ai trouvé cette quatrième de couv' très décevante. Trop touffue à mon goût, elle m'a longtemps "bloqué", et ce n'est que suite à la lecture récente de 1792 que j'ai passé outre mon aversion première pour me faire un shoot de Bordage avant la parution des Chemins de Damas. Et j'ai fort bien fait de passer outre, croyez-moi !

Alors, l'histoire. De quoi s'agit-il ? On se trouve sur la planète Ester, un monde où un océan bouillonnant sépare un continent nord à la société technologique et un continent sud peuplé par des paysans pacifiques, des types d'amish la polygamie en plus. On suit le parcours d'Abzalon, un homme au physique monstrueux (j'ai pensé à Ron Perlman mais en pire), tueur de femmes, incarcéré dans une prison où la seule loi est celle du plus fort. Et à ce jeu-là, le physique d'Abzalon lui permet d'être parmi les 5 000 rescapés qui sont embarqués dans un vaisseau interstellaire pour un voyage de 120 ans. L'objectif : coloniser une nouvelle planète, Ester étant menacé à moyen terme par son étoile en fin de vie. Laissés à eux-même, les 5 000 bagnards ignorent qu'ils ne sont pas les seuls passagers du vaisseau. En effet, le gouvernement du continent nord a envahi le sud et a embarqué 5 000 habitant(e)s, dont une majorité de femmes, pour ce périlleux voyage. Ces deux groupes sont le jouet de deux factions aux vues mystérieuses - l'Eglise du Moncle d'un côté, les mentalistes de l'autre - dont les conceptions de la nature humaine ne sont pas sans conséquences sur la destinée d'Abzalon et de ses compagnons de fortune.

Ce livre est à l'image du voyage auquel il nous convie : il se situe dans un temps long, ce qui permet de voir les personnages évoluer et de les accompagner durant leur plus ou moins longue existence. La contrepartie est un faux rythme, adapté à la longueur du voyage entrepris. Les personnages sont profondément humains, comme dans tous les Bordage, et l'auteur profite de ce huis-clos pour réfléchir sur l'humain, sa propension à se forger des dogmes et à s'y accrocher par la suite, ainsi que sa volonté de plier son environnement et ses proches à ses croyances. Bref, un voyage plein de fureur pour ses passagers et plein de bonheur pour ses lecteurs. Orchéron m'attend. N'y pensons pas, vivons l'instant présent !!

Tu refuses d'être assimilé aux bourreaux, d'être celui par qui le malheur arrive, et pourtant tu ne peux être dissocié de l'humanité, de ses crimes, de ses injustices. Tu te réfugies derrière une éthique, une morale, mais sache que des millions et des millions d'êtres vivants souffrent au nom de cette éthique, au nom de cette morale. L'intervention, la volonté de convaincre, voilà l'erreur. Eulan Kropt commit cette erreur il y a de cela six mille ans du calendrier estérien : il voulut partager son expérience, mais les mots eux-mêmes sont des pièges tendus par le temps. Et ses proches utilisèrent son discours pour élaborer une religion, pour enclencher les mécanismes enfouis dans leur mémoire profonde. Ils n'agissaient pas par calcul, ils étaient sincères, mais ils ne se rendaient pas compte qu'ils initiaient un nouveau cycle de tourments, qu'ils édifiaient les murs d'une nouvelle prison.

Celui qui ressent est vivant, celui qui veut est mort.

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