Amnésie temporaire

vendredi 19 août 2005

A comme Alone

L'ami Kanux est en pleine interrogation sur la couverture de son prochain roman.

Il faut croire qu'il y a de la transmission de pensée entre nous. Je rouvre mon blogue et le sien reprend vie. C'est bien.
Ceci dit, c'est pour une bonne cause. Il s'agit de l'aider à trouver la couv' la plus vendeuse pour son best-seller à lui de pour le mois d'octobre qui vient. Perso, je penche pour la lumière.



jeudi 18 août 2005

La constance du jardinier

L'adaptation en film du très bon roman de John Le Carré avec Ralph Fiennes, Rachel Weisz, et Pete Postlethwaite.

The constant gardenerJe viens de découvrir l'existence de cette adaptation via un billet de Worldchanging. Le film sort à la fin du mois d'août aux Etats-Unis, mais pas de date de prévue pour la France pour le moment apparemment.
John Le Carré nous plonge en Afrique au coeur de la lutte d'un diplomate anglais effacé et jardinier à ses heures pour découvrir la vérité sur la disparition de sa femme. Entre l'industrie pharmaceutique et l'Afrique, il n'en sortira pas indemne. Et le lecteur non plus s'il se laisse emporter par le talent de Le Carré. Il ne reste plus qu'à espérer que le film rendra hommage au roman.



jeudi 21 avril 2005

Christopher Priest

Un billet rapide pour indiquer dans le supplément livre de Libé aujourd'hui un article sur Christopher Priest à l'occasion de la sortie en France de son dernier livre La séparation qui a obtenu le British Science-Fiction Award en 2002. A noter également une critique du livre sur le site du cafard cosmique, ainsi qu'un entretien dans le numéro 2 du magazine Khimaira dont le dossier est consacrée aux sorcières et qui met également à l'honneur Pppy Z. Brite et Paul di Filippo.

De mon côté, j'ai - un peu - calé dans la lecture de l'Archipel du rêve. Et le livre est reparti à la bibliothèque. :-(



jeudi 14 avril 2005

Dans la dèche

Dans la dècheAllez hop ! Voilà une affaire rondement menée. Sitôt proposées, sitôt parties les saisons de la nuit de Colum McCan. Je les remplace donc dans la liste par un autre monument de la littérature du monde d'en bas. Il s'agit de Dans la dèche à Paris et à Londres de George Orwell. Comme dirait Manu Katché, c'est du lourd ! Ce livre, publié pour la première fois en 1933, est le récit de l'expérience de la misère que connaît Orwell en ce début des années 30 des deux côtés du Channel. Ca ne tient pas du roman mais plus du journal de voyage. Voyage dans les bas-fonds de la société de l'époque, de ceux que l'on cache honteusement sous le tapis. Seize ans avant la publication de 1984, ce livre est déjà celui d'un grand auteur. Et comme pour les autres, je le donne bien volontiers à qui en a envie.



Bordage est décidément un étonnant voyageur

Etonnants VoyageursJe n'ai pas caché dans quelques billets précédents, ici et , mon affection pour les textes de Pierre Bordage. Je n'en suis que plus heureux de constater qu'il donne de ses nouvelles sur son site. Il indique notamment sa présence à Rennes les 30, 31 mai et 1er juin prochain pour des rencontres dans le cadre du prix ados de la ville de Rennes, ainsi qu'à St Malo pour l'excellent festival Etonnants Voyageurs du 05 au 07 mai. Le site du festival n'est pas particulièrement à jour à trois semaines de son ouverture : pas de visuel disponible (du coup je vous cole l'affiche de la déclinaison irlandaise du festival en 2002. Pas mal, non ?), mais un thème, la "littérature qui vient", et une première liste d'écrivains invités.

Nous avons tous le sentiment d’être à une époque charnière quand un monde bascule, et ce sont du coup nos repères les plus assurés qui vacillent. Qu’en est-il, de la littérature, aujourd’hui ? A t’elle encore la capacité de nous donner à voir, et à lire, le monde nouveau ? De nouvelles formes de création sont-elles en train d’apparaître, porteuses de paroles neuves ? Pour le savoir nous avons choisi d’inviter les écrivains du monde entier, qui nous paraissent dire le plus fortement ce « monde qui vient ». Pour un grand rendez-vous qui fera événement, des littératures du monde entier, à travers une multitude de rencontres, de débats, de lectures. Les principaux medias français s’associeront à l’événement.

Bref, inutile de vous dire que j'en salive à l'avance. D'ailleurs je me souviens de l'édition 2003. Juan Miguel Aguilera, que j'avais énormément apprécié avec La folie de Dieu et Les enfants de l'éternité, était en dédicace pour son dernier bouquin Rihla. Un peu intimidé par tant d'imagination concentrée, je m'étais rendu sur le stand pour obtenir une dédicace et échanger quelques mots, en français s'il vous plait, avec l'auteur. Son voisin ne m'était pas inconnu puisque je l'avais déjà croisé à Rennes lors d'une séance de dédicace. Il s'agissait, vous l'aurez compris lecteurs attentifs, de Pierre Bordage himself. Mais à l'époque je n'avais lu de lui que Wang qui m'avait plu mais sans plus. Je ne l'ai réellement découvert que l'an dernier avec les griots célestes, ces conteurs galactiques qui font vibrer l'humanité.

Tiens, je viens de me rendre compte qu'il y a deux sites perso de Pierre Bordage (je le savais déjà tout compte fait) et que son éditeur principal, l'Atalante, ne pointe pas sur le bon. Dommage Eliane...



mardi 5 avril 2005

Identification des schémas

Bon, je suis vraiment à la bourre au niveau des revues de mes lectures. Alors retroussement de manches (pas facile avec un t-shirt), et hop !

Identification des schémasLe premier sur la liste, c'est Identification des schémas de William Gibson. Et c'est où ? Au Diable vauvert évidemment ! Ca ressemble à de la SF, ça a le goût de la SF, mais ça n'en est pas !! Le pape du Cyberpunk a écrit un roman qui serait tout à sa place dans une collection de littérature générale. A ce point près que le thème du livre, le sens dans nos sociétés modernes, est traité façon Gibson. Avec du nerf, du décalage horaire et des idées qui font mouche comme cette "maladie" dont souffre l'héroïne. Cayce Pollard est hypersensible aux marques et à leurs logos. Le bibendum michelin la rend malade et elle sait d'un coup d'oeil si le nouveau logo d'un fabriquant de tennis fonctionne. L'intrigue s'articule autour d'un film. LE film. Des séquences apparaissent sur Internet et une communauté s'est créée autour de ces extraits. D'où viennent-ils ? Dans quel ordre faut-il les visionner ? Qui est le créateur ? S'agit-il d'une oeuvre entière livrée par petits bouts ou est-elle diffusée au fur et à mesure de sa création ?

Cayce va tenter de répondre à ses questions, alors que son univers est dangereusement mis à mal. Quelqu'un semble lui en vouloir. Pourquoi ? Jalousie professionnelle ou enjeux plus profond ? Dans le monde de l'après 11 septembre les repères ont volé et il devient difficile de savoir à qui se fier.

Gibson signe le roman d'un certain monde, entre déracinement et culture planétaire, objets cultes, culte de l'objet et oeuvre d'art. En mettant en scène la quête de sens autour du film, Gibson nous présente un miroir qui dévoile en creux le vide de sens au coeur de nos sociétés contemporaines.



samedi 19 mars 2005

Au diable

J'en profite pour dire tout le bien que je pense de la maison d'édition qui a commis La parabole des talents : Au diable Vauvert. Une maison qui se définit comme "indépendante, alternative et de convictions". Tout un programme. Et je dois dire que par les temps qui courent, l'indépendance d'une maison d'édition est une chose qui se fait rare, et donc qui devient précieuse. Quand en plus, elle est alternative et de convictions, je suis charmé. Et quand la conviction est qu'"un humanisme nouveau doit et va trouver à s'exprimer", et qu'on trouve pèle-mèle mauvais genres et documents sans distinction de collection, je dis BANCO ! Les découvrir, c'est les adopter !!

Parmi ceux que j'ai déjà dévorés et adorés, en plus des deux paraboles d'Octavia E. Butler, il y a :

  • La folie de Dieu et Rihla (récits initiatiques dans des univers historiques fantastiques) de Juan Miguel Aguilera,
  • L'évangile du serpent et L'ange de l'abîme (Tomes 1 et 2 de la trilogie des prophéties) de Pierre Bordage,
  • American Gods (mythologies celtiques et nordiques contre mythes modernes) de Neil Gaiman

La folide Dieu Rihla L'évangile du serpent L'ange de l'abîme American Gods



La parabole des talents

La parabole des talents ''Tout ce que tu touches
Tu le changes.

Tout ce que tu changes
Te change.

La seule vérité permanente
Est le Changement.

Dieu est Changement.''

Fin - provisoire - de ma période science-fiction et humanisme. J'ai terminé hier la lecture de La parabole des talents d'Octavia E. Butler, livre pour lequel j'avais déjà témoigné de mon intérêt ici. J'avais beaucoup aimé le premier tome, La parabole du semeur, qui raconte, à travers son journal, l'histoire d'une toute jeune femme noire, Lauren, dans un futur proche où la société américaine est en pleine désagrégation. Fille de pasteur, elle crée son propre univers religieux, Semence de la Terre, autour d'une idée phare : Dieu est changement. Après la destruction de la communauté dans laquelle elle a grandi et la mort des siens, elle fuit sur les routes. Au hasard des rencontres et des dangers, elle consolide sa foi et commence à prêcher.

On retrouve dans La parabole des talents l'héroïne à travers son journal au fur et à mesure de sa découverte par sa fille. La communauté qu'elle a fondé se développe, mais les temps ne sont pas appaisés et l'intégrisme religieux menace. J'ai repris avec enthousiasme le cours de cette histoire, retrouvé des personnages forts, et l'espoir, jamais éteint, de construire un monde meilleur. J'ai lu quelque part sur la toile qu'il s'agissait d'un roman de sf féministe. Eh bien oui ! Les femmes SONT et FONT cette histoire d'espoir et de lutte qui pourrait être notre tellement le futur décrit par l'auteur trouve des échos dans les germes pourris de la situation actuelle.

J'ai donc repris avec enthousiasme cette histoire, et je n'ai pas été déçu. L'écriture est agréable, malgré quelques utilisations abusives du passé simple que je mets sur le compte de la traduction, et l'utilisation du journal de l'héroïne, mise en perspective par la lecture qu'en fait sa fille des années après l'action, permet de garder une unité au récit malgré son étalement sur plusieurs années. Enfin, la référence à la parabole des talents à deux reprises - au début et à la fin du livre - n'a pas manqué de questionner mon ignorance en la matière (mes seuls cours de catéchisme ont été les BD dans Astrapi et Okapi !!). Quel sens y donner dans le contexte du livre ? J'ai donc farfouillé sur la toile dans l'espoir de ne pas passer à côté de l'interprétation de cette parabole.

Car le royaume des cieux est semblable à un homme sur le point d'accomplir un voyage en terre lointaine. Il appelle auprès de lui ses serviteurs et leur distribue ses biens. A l'un, il remet cinq talents ; à l'autre, deux ; au troisième, un seul. A chacun, il donne selon ses capacités respectives. Puis sans attendre, il se met en route.
Celui qui avait reçu cinq talents s'en fut négocier avec quelqu'un qui possédait une somme équivalente et l'opération lui permit de récolter cinq nouveaux talents. Celui qui en avait reçu deux fit de même. Le dernier, à qui l'on n'avait remis qu'un seul et unique talent, creusa un trou dans le sol où il enfouit l'argent confié par son maître.
Lontemps après, celui-ci revint et fit comparaître ses serviteurs. A chacun de ceux qui avaient su faire fructifier la somme remise, il tint le discours suivant : "C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as su te montrer digne de la confiance que j'avais placée en toi, je puis désormais m'en remettre à tes mérites et te confier un vrai trésor. Entre, sois le bienvenu dans la joie du Seigneur."
Quant à celui qui s'était contenté d'enterrer son talent de peur de le perdre, le maître parla en termes sévères : "Mauvais serviteur, homme paresseux... Sachant que j'avais moissonné là où je n'avais pas semé, et récolté là où je n'avais pas fertilisé, tu aurais dû remettre le talent reçu entre les mains du banquier. A mon retour, j'aurais ainsi trouvé mon capital enrichi des fruits de l'usure. Qu'on lui retire ce talent pour le remettre à celui qui en a déjà dix. Car les vertueux recevront davantage et seront comblés ; en revanche le misérable se verra privé de tout, même du peu qu'il possède.

Bible du Roi James Evangile selon Saint Mathieu, 25, 14-30

L'explication la plus claire de cette parabole, je l'ai trouvée ici. Il faudrait voir dans la parabole une description du jugement dernier. "Ainsi pour avoir part au salut, il ne suffit pas d'écouter la parole de Dieu, il faut la mettre en pratique pour lui faire porter du fruit. (...) L'optique est celle d'une exhortation à se montrer actif en faisant passer dans ses actes le message évangélique."

Le sens de la parabole est illustré par le récit de Lauren qui consacre sa vie à transmettre le message d'espoir qu'elle a construit à partir des évangiles que son père, pasteur, lui a enseigné. Je ne suis pas certain de ne pas avoir perdu une interprétation en route, mais en tout cas je comprends un peu mieux le titre du livre et j'ai la satisfaction de ne pas être passé à côté d'éléments importants comme ça a été le cas lors de ma lecture de La grande faucheuse de James Morrow.



vendredi 11 mars 2005

Orcheron

OrcheronSuite d'Abzalon, Orcheron se déroule huit siècles après l'arrivée des colons sur leur nouvelle planète. Huit siècles, le temps pour qu'une nouvelle société se structure et se développe. Les personnages clés d'Abzalon sont devenus autant de héros mythologiques, chacun servant de guide à une partie de la société. On trouve ainsi les djemales, disciples de Qval Djema, qui vouent leur existence à la recherche du "présent", les chasseurs lakchas qui chassent les troupeaux de yonks et approvisionnent les domaines agricoles tenus par les mathelles tandis que les ventresecs vivent en nomade sur le continent du Triangle.

C'est surtout cette construction d'une société et le récit du déséquilibre entre groupes qui grandit en même temps que ceux-ci s'étendent à la surface du continent qui m'ont intéressé. Orcheron est le roman de cette perte d'harmonie : les mathelles cherchent à étendre leur pouvoir séculier, les djemales perdent la substance de l'enseignement de Djema en l'institutionnalisant, et les lakchas, seule force exclusivement masculine dans ce monde matriarcal, rêvent à un pouvoir qui leur semble du. Les ventresecs, nomades, vivent beaucoup plus en harmonie avec ce nouveau monde. Mais chez Bordage, si même les personnages les plus sombres ont toujours des lumières d'humanité en eux, aucun n'est tout blanc pour autant.

Roman de l'harmonie, de son oubli et de ces conséquences, Orcheron m'a transporté. Je parle du livre. Parce que les personnages centraux - Orcheron, Alma et Ankrel - souffrent de l'immensité des plaines dans lesquelles ils évoluent. Ils perdent en consistance ce qu'ils gagnent en espace. L'inverse d'Abzalon et d'Ellula, personnages forts auxquels je m'étais attaché dans le premier tome de ce dyptique.



mercredi 2 mars 2005

Anti-capitalisme et sorcières néopaïennes

Il y a quelques jours, je m'adonnais tranquillement à mon exercice masochiste préféré - me promener dans des librairires et ne rien acheter, grrrr... - quand je suis tombé sur la couverture du livre de Philippe Pignarre et d'Isabelle Stengers, La sorcellerie capitaliste - pratiques de désenvoûtement (éd. La découverte). Je n'ai pu faire autrement que m'en saisir et exacerber ma curiosité avec la quatrième de couv' (décidément, j'en parle beaucoup de celles-là).

C’est entendu : il existe une horreur économique encore plus cruelle au Sud qu’au Nord. Mais la dénoncer ne suffit pas : si la dénonciation était efficace, il y a longtemps que le capitalisme aurait disparu… Les auteurs appellent « capitalisme » ce système qui s’invente en permanence et nous saisit à travers des alternatives infernales, du type : « Si vous demandez des droits supplémentaires, une augmentation de salaire, vous favorisez les délocalisations et le chômage. » Comment ne pas être paralysé ? D’autres peuples ont appelé cela un système sorcier. Et si ce n’était pas une métaphore ? Et si c’était même le meilleur nom que l’on pouvait donner à la prise que le capitalisme exerce sur nous, nous aidant, du coup, à réfléchir aux manières dont nous pouvons avoir prise sur lui ? Pourquoi avons-nous été si vulnérables à un tel système ? Comment se protéger ? Certaines idées partagées par toute la gauche, et d’abord la croyance dans le « progrès », n’auraient-elles pas donné au capitalisme le moyen de nous rendre impuissants ? En tentant de répondre à ces questions, ce livre ne propose ni un programme, ni une nouvelle théorie. Il vise plutôt à encourager tous ceux et celles qui résistent à la résignation, et dont les réussites toujours partielles doivent être racontées, célébrées, relayées. Car l’émergence d’une alternative, loin de se réduire à l’accumulation de luttes défensives et de postures « révolutionnaires », passe plutôt par la construction patiente et joyeuse d’un autre rapport aux autres et au monde, sans que rien de ce que chaque collectivité expérimente soit passé sous silence. C’est un anticapitalisme pragmatique que les auteurs souhaitent ici mettre en discussion, dans la suite du cri lancé à Seattle : « Un autre monde est possible ! »

Malgré tout l'attrait du bouquin, ma volonté a été la plus forte et il est resté sur le présentoire. Je n'en ai pas moins cherché à en savoir plus, et j'ai découvert à cette occasion le magazine en ligne Périphéries qui publie un long article sur le livre de Philippe Pignarre et d'Isabelle Stengers. Par ricochet, j'ai trouvé au même endroit un autre long article qui aborde le livre Femmes, magie et politique de l'américaine Starhawk (éd. les Empêcheurs de penser en rond) où il est question de sorcières néopaïennes. Tout un programme !

La sorcellerie capitaliste Femmes, magie et politique



lundi 28 février 2005

Traité d'athéologie

Traité d'athéologiePetite parenthèse dans ma boulimie de bouquins de SF, je me lance dans le tout récent Traité d'athéologie de Michel Onfray. Je n'en suis qu'au début de cet essai où l'auteur, par ailleurs créateur de l'Université populaire de Caen, appelle de ses voeux "un athéisme argumenté, construit, solide et militant" (dixit la quatrième de couv'), et déjà je suis interpelé par le passage expliquant l'origine de l'athéisme.



"Certes l'athée existe dans la Bible - Psaumes (X,4 et XIV, 1) et Jérémie (V, 12) -, mais dans l'Antiquité il qualifie parfois, souvent même, non pas celui qui ne croit pas en Dieu, mais celui qui se refuse aux dieux dominants du moment, à leurs formes socialement arrêtées. Longtemps l'athée caractérise la personne qui croit à un dieu voisin, étranger, hétérodoxe. Non pas l'individu qui vide le ciel, mais celui qui le peuple avec ses propres créatures..."

Je dois avouer que je ne connaissais pas cet usage primitif du mot "athée". Après réflexion, il s'explique très bien puisque le désenchantement du monde est tardif dans l'histoire humaine (cf. Max Weber) et que les dieux ou êtres enchantés peuplent l'univers pendant des Siècles.

"De sorte que l'athéisme sert politiquement à écarter, repérer ou fustiger l'individu croyant à un autre dieu que celui dont l'autorité du moment et du lieu se réclame pour asseoir son pouvoir. Car Dieu invisible, inaccessible, donc silencieux sur ce qu'on peut lui faire dire ou endosser, ne se rebelle pas quand d'aucuns se prétendent investis par lui pour parler, édicter, agir en son nom pour le meilleur et le pire. Le silence de Dieu permet le bavardage de ses ministres qui usent et abusent de l'épithète : quiconque ne croit pas à leur Dieu, donc à eux, devient immédiatement un athée. Donc le pire des hommes : l'immoraliste, le détestable, l'immonde, l'incarnation du mal. A enfermer illico ou à torturer, à mettre à mort."

La religion comme levier de pouvoir dans notre monde terrestre. L'exclusion au lieu du relié.

"Difficile dès lors de se dire athée... On est dit tel, et toujours dans la perspective insultante d'une autorité soucieuse de condamner. La construction du mot le précise d'ailleurs : a-thée. Préfice privatif, le mot suppose une négation, un manque, un trou, une démarche d'opposition. Aucun terme n'existe pour qualifier positivement celui qui ne sacrifie pas aux chimères en dehors de cette construction linguistique exacerbant l'amputation : a-thée donc, mais aussi mécréant, a-gnostique, in-croyant, ir-rékigieux, in-crédule, a-religieux, im-pie (l'a-dieu manque à l'appel !) et tous les mots qui procèdent de ceux-là : irréligion, incroyance, impiété, etc. Rien pour signifier l'aspect solaire, affirmateur, positif, libre, fort de l'individu installé au-delà de la pensée magique et des fables."

Où l'on retrouve la difficulté de désigner une idée ou un concept qui se trouve en opposition avec l'ordre des choses tel qu'il est admis par la société. Les partisans de la décroissance soutenable sont confrontés au même problème. En utilisant ce terme de décroissance, ils se situent dans l'anti- et peinent à insuffler une valeur positive à un concept naissant. Les mots désignent nos représentations mentales et, ce faisant, façonnent notre imaginaire. Comment se nettoyer la tête ? En inventant et partageant des améliorations à notre langue. Il y a du pain sur la planche !!



dimanche 27 février 2005

Abzalon

Abzalon... Je me rends compte, alors que j'ai refermé le livre il y a peu de temps, qu'au fil des chapitres je m'étais habitué à cet être hors norme. Mais foin de commentaires trop sentimentaux, commençons par le début.

AbzalonJ'apprécie en général qu'une quatrième de couverture me mette l'eau à la bouche, me promette monts et merveilles, m'appate avec des aventures extraordinaires et des personnages fascinants. Et là, je dois bien avouer ma déception. J'ai trouvé cette quatrième de couv' très décevante. Trop touffue à mon goût, elle m'a longtemps "bloqué", et ce n'est que suite à la lecture récente de 1792 que j'ai passé outre mon aversion première pour me faire un shoot de Bordage avant la parution des Chemins de Damas. Et j'ai fort bien fait de passer outre, croyez-moi !

Alors, l'histoire. De quoi s'agit-il ? On se trouve sur la planète Ester, un monde où un océan bouillonnant sépare un continent nord à la société technologique et un continent sud peuplé par des paysans pacifiques, des types d'amish la polygamie en plus. On suit le parcours d'Abzalon, un homme au physique monstrueux (j'ai pensé à Ron Perlman mais en pire), tueur de femmes, incarcéré dans une prison où la seule loi est celle du plus fort. Et à ce jeu-là, le physique d'Abzalon lui permet d'être parmi les 5 000 rescapés qui sont embarqués dans un vaisseau interstellaire pour un voyage de 120 ans. L'objectif : coloniser une nouvelle planète, Ester étant menacé à moyen terme par son étoile en fin de vie. Laissés à eux-même, les 5 000 bagnards ignorent qu'ils ne sont pas les seuls passagers du vaisseau. En effet, le gouvernement du continent nord a envahi le sud et a embarqué 5 000 habitant(e)s, dont une majorité de femmes, pour ce périlleux voyage. Ces deux groupes sont le jouet de deux factions aux vues mystérieuses - l'Eglise du Moncle d'un côté, les mentalistes de l'autre - dont les conceptions de la nature humaine ne sont pas sans conséquences sur la destinée d'Abzalon et de ses compagnons de fortune.

Ce livre est à l'image du voyage auquel il nous convie : il se situe dans un temps long, ce qui permet de voir les personnages évoluer et de les accompagner durant leur plus ou moins longue existence. La contrepartie est un faux rythme, adapté à la longueur du voyage entrepris. Les personnages sont profondément humains, comme dans tous les Bordage, et l'auteur profite de ce huis-clos pour réfléchir sur l'humain, sa propension à se forger des dogmes et à s'y accrocher par la suite, ainsi que sa volonté de plier son environnement et ses proches à ses croyances. Bref, un voyage plein de fureur pour ses passagers et plein de bonheur pour ses lecteurs. Orchéron m'attend. N'y pensons pas, vivons l'instant présent !!

Tu refuses d'être assimilé aux bourreaux, d'être celui par qui le malheur arrive, et pourtant tu ne peux être dissocié de l'humanité, de ses crimes, de ses injustices. Tu te réfugies derrière une éthique, une morale, mais sache que des millions et des millions d'êtres vivants souffrent au nom de cette éthique, au nom de cette morale. L'intervention, la volonté de convaincre, voilà l'erreur. Eulan Kropt commit cette erreur il y a de cela six mille ans du calendrier estérien : il voulut partager son expérience, mais les mots eux-mêmes sont des pièges tendus par le temps. Et ses proches utilisèrent son discours pour élaborer une religion, pour enclencher les mécanismes enfouis dans leur mémoire profonde. Ils n'agissaient pas par calcul, ils étaient sincères, mais ils ne se rendaient pas compte qu'ils initiaient un nouveau cycle de tourments, qu'ils édifiaient les murs d'une nouvelle prison.

Celui qui ressent est vivant, celui qui veut est mort.



vendredi 25 février 2005

Castoria - bis

Ce que j'aime fouiner sur Internet !! Le billet précédent est à peine enregistré que je tombe sur une seconde critique de Une Société à la dérive, sur Chronic'art cette fois. J'aime tout particulièrement le passage cité en fin d'article.

"Ce qui est à changer, ce sont les attitudes de l’homme contemporain, de la société contemporaine, son idée des fins de la vie, de ce qui est important, de ce que nous sommes et devons être les uns pour les autres. La vraie politique, c’est cela, et en ce sens la vraie question de l’époque est la question politique, et cela à un degré d’autant plus aigu que l’on proclame plus bruyamment le contraire".

Allez hop ! Je mets tout en gras tellement ça me semble important. Et si jamais, par désoeuvrement et pur hasard, je me retrouve dans une librairie généraliste (pas ma petite crèmerie préférée donc !), je sais ce qu'il me reste à acheter.



Pas lu, pas pris !

Une société à la dérive

C'est grâce à Takis Fotopoulos, l'auteur de VERS UNE DEMOCRATIE GENERALE - une democratie directe, economique, ecologique et sociale, dont j'aurais certainement l'occasion de dire tout le bien que je pense, que j'ai mémorisé le nom de Castoriadis. C'est pourquoi je me suis intéressé à la critique du recueil de ses entretiens, Une société à la dérive. Entretiens et débats 1974-1997 (Seuil), que j'ai vu sur le site littéraire de l'Express.


















Selon lui, le dynamisme capitaliste a besoin d'être canalisé par des «types anthropologiques qu'il n'a pas créés et qu'il n'aurait pu créer lui-même»: «Des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres et wébériens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle.» Des «types» légués par des périodes historiques antérieures et que le capitalisme, qui n'en a que faire, détruit: «L'honnêteté, le service de l'Etat, la transmission du savoir, la belle ouvrage, etc.» Ainsi, «de même qu'il vit en épuisant les réserves naturelles», «le capitalisme vit en épuisant les réserves anthropologiques constituées pendant les millénaires précédents». D'où, dans les sociétés d'abondance, la «montée de l'insignifiance», liée à la «transformation des humains en machines à produire et à consommer». Les existences individuelles, de plus en plus dépolitisées, se soumettent au «conformisme généralisé» d'une marchandisation sans limites aboutissant à une «décomposition des sociétés occidentales», mises en danger par «la privatisation, l'apathie, l'inimaginable dégradation du personnel politique».

Je découvre cette idée de types anthropologiques, créés au cours de l'histoire humaine, et que le capitalisme épuiserait de manière comparable aux ressources naturelles. Ainsi, de la même façon que le pétrole est le résultat de phénomènes de sédimentation à l'échelle géologique, on peut considérer les modèles d'êtres humains en société comme le résultat de siècles de maturation. Se pose alors la question de la vitesse à laquelle ces modèles ou "types anthropologiques" se reconstituent.

Je suis bien persuadé que la pensée de castoriadis est d'une richesse impressionnante. Cela fait donc un livre supplémentaire à lire. Si un visiteur de ce modeste espace d'expression qu'est ce blog a eu l'occasion de lire ce livre, je suis tout à fait intéressé pour connaître les impressions ou idées retenues consécutives à la lecture. A bon lecteur, salut !



lundi 21 février 2005

Les extrêmes - suite et fin

Voilà, le bouquin est refermé, posé sur la table, prêt à retourner sagement sur son étagère de la bibliothèque. Qu'en dire ? Que l'on retrouve dans Les extrêmes les univers virtuels d'Existenz du même Christopher Priest (qui a été adapté au cinéma par David Cronenberg) ? Que l'auteur creuse les thèmes du deuil et de la mémoire tout en jouant avec la perception de la réalité ? Qu'il le fait avec brio ? Que le caractère fantastique de l'intrigue n'a finalement que peu d'importance par rapport à l'analyse psychologique des personnages ? Que la violence des situations dans lesquelles les extrêmes plongent les personnages est frappante compte tenu de la perception aigüe de réalité ? Mais qu'elle est finalement sans doute en-deça de ce que proposent les jeux actuels ? Que l'auteur a du talent et qu'il sait captiver son lecteur ? Oui, tout ça et sans doute plus encore.

J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à cette lecture. Et elle rentre sans doute en résonnance avec d'autres lectures récentes pour me faire réfléchir, ce qui est toujours bon à prendre !! J'en redemande !



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