Amnésie temporaire

lundi 28 février 2005

Traité d'athéologie

Traité d'athéologiePetite parenthèse dans ma boulimie de bouquins de SF, je me lance dans le tout récent Traité d'athéologie de Michel Onfray. Je n'en suis qu'au début de cet essai où l'auteur, par ailleurs créateur de l'Université populaire de Caen, appelle de ses voeux "un athéisme argumenté, construit, solide et militant" (dixit la quatrième de couv'), et déjà je suis interpelé par le passage expliquant l'origine de l'athéisme.



"Certes l'athée existe dans la Bible - Psaumes (X,4 et XIV, 1) et Jérémie (V, 12) -, mais dans l'Antiquité il qualifie parfois, souvent même, non pas celui qui ne croit pas en Dieu, mais celui qui se refuse aux dieux dominants du moment, à leurs formes socialement arrêtées. Longtemps l'athée caractérise la personne qui croit à un dieu voisin, étranger, hétérodoxe. Non pas l'individu qui vide le ciel, mais celui qui le peuple avec ses propres créatures..."

Je dois avouer que je ne connaissais pas cet usage primitif du mot "athée". Après réflexion, il s'explique très bien puisque le désenchantement du monde est tardif dans l'histoire humaine (cf. Max Weber) et que les dieux ou êtres enchantés peuplent l'univers pendant des Siècles.

"De sorte que l'athéisme sert politiquement à écarter, repérer ou fustiger l'individu croyant à un autre dieu que celui dont l'autorité du moment et du lieu se réclame pour asseoir son pouvoir. Car Dieu invisible, inaccessible, donc silencieux sur ce qu'on peut lui faire dire ou endosser, ne se rebelle pas quand d'aucuns se prétendent investis par lui pour parler, édicter, agir en son nom pour le meilleur et le pire. Le silence de Dieu permet le bavardage de ses ministres qui usent et abusent de l'épithète : quiconque ne croit pas à leur Dieu, donc à eux, devient immédiatement un athée. Donc le pire des hommes : l'immoraliste, le détestable, l'immonde, l'incarnation du mal. A enfermer illico ou à torturer, à mettre à mort."

La religion comme levier de pouvoir dans notre monde terrestre. L'exclusion au lieu du relié.

"Difficile dès lors de se dire athée... On est dit tel, et toujours dans la perspective insultante d'une autorité soucieuse de condamner. La construction du mot le précise d'ailleurs : a-thée. Préfice privatif, le mot suppose une négation, un manque, un trou, une démarche d'opposition. Aucun terme n'existe pour qualifier positivement celui qui ne sacrifie pas aux chimères en dehors de cette construction linguistique exacerbant l'amputation : a-thée donc, mais aussi mécréant, a-gnostique, in-croyant, ir-rékigieux, in-crédule, a-religieux, im-pie (l'a-dieu manque à l'appel !) et tous les mots qui procèdent de ceux-là : irréligion, incroyance, impiété, etc. Rien pour signifier l'aspect solaire, affirmateur, positif, libre, fort de l'individu installé au-delà de la pensée magique et des fables."

Où l'on retrouve la difficulté de désigner une idée ou un concept qui se trouve en opposition avec l'ordre des choses tel qu'il est admis par la société. Les partisans de la décroissance soutenable sont confrontés au même problème. En utilisant ce terme de décroissance, ils se situent dans l'anti- et peinent à insuffler une valeur positive à un concept naissant. Les mots désignent nos représentations mentales et, ce faisant, façonnent notre imaginaire. Comment se nettoyer la tête ? En inventant et partageant des améliorations à notre langue. Il y a du pain sur la planche !!



dimanche 27 février 2005

Abzalon

Abzalon... Je me rends compte, alors que j'ai refermé le livre il y a peu de temps, qu'au fil des chapitres je m'étais habitué à cet être hors norme. Mais foin de commentaires trop sentimentaux, commençons par le début.

AbzalonJ'apprécie en général qu'une quatrième de couverture me mette l'eau à la bouche, me promette monts et merveilles, m'appate avec des aventures extraordinaires et des personnages fascinants. Et là, je dois bien avouer ma déception. J'ai trouvé cette quatrième de couv' très décevante. Trop touffue à mon goût, elle m'a longtemps "bloqué", et ce n'est que suite à la lecture récente de 1792 que j'ai passé outre mon aversion première pour me faire un shoot de Bordage avant la parution des Chemins de Damas. Et j'ai fort bien fait de passer outre, croyez-moi !

Alors, l'histoire. De quoi s'agit-il ? On se trouve sur la planète Ester, un monde où un océan bouillonnant sépare un continent nord à la société technologique et un continent sud peuplé par des paysans pacifiques, des types d'amish la polygamie en plus. On suit le parcours d'Abzalon, un homme au physique monstrueux (j'ai pensé à Ron Perlman mais en pire), tueur de femmes, incarcéré dans une prison où la seule loi est celle du plus fort. Et à ce jeu-là, le physique d'Abzalon lui permet d'être parmi les 5 000 rescapés qui sont embarqués dans un vaisseau interstellaire pour un voyage de 120 ans. L'objectif : coloniser une nouvelle planète, Ester étant menacé à moyen terme par son étoile en fin de vie. Laissés à eux-même, les 5 000 bagnards ignorent qu'ils ne sont pas les seuls passagers du vaisseau. En effet, le gouvernement du continent nord a envahi le sud et a embarqué 5 000 habitant(e)s, dont une majorité de femmes, pour ce périlleux voyage. Ces deux groupes sont le jouet de deux factions aux vues mystérieuses - l'Eglise du Moncle d'un côté, les mentalistes de l'autre - dont les conceptions de la nature humaine ne sont pas sans conséquences sur la destinée d'Abzalon et de ses compagnons de fortune.

Ce livre est à l'image du voyage auquel il nous convie : il se situe dans un temps long, ce qui permet de voir les personnages évoluer et de les accompagner durant leur plus ou moins longue existence. La contrepartie est un faux rythme, adapté à la longueur du voyage entrepris. Les personnages sont profondément humains, comme dans tous les Bordage, et l'auteur profite de ce huis-clos pour réfléchir sur l'humain, sa propension à se forger des dogmes et à s'y accrocher par la suite, ainsi que sa volonté de plier son environnement et ses proches à ses croyances. Bref, un voyage plein de fureur pour ses passagers et plein de bonheur pour ses lecteurs. Orchéron m'attend. N'y pensons pas, vivons l'instant présent !!

Tu refuses d'être assimilé aux bourreaux, d'être celui par qui le malheur arrive, et pourtant tu ne peux être dissocié de l'humanité, de ses crimes, de ses injustices. Tu te réfugies derrière une éthique, une morale, mais sache que des millions et des millions d'êtres vivants souffrent au nom de cette éthique, au nom de cette morale. L'intervention, la volonté de convaincre, voilà l'erreur. Eulan Kropt commit cette erreur il y a de cela six mille ans du calendrier estérien : il voulut partager son expérience, mais les mots eux-mêmes sont des pièges tendus par le temps. Et ses proches utilisèrent son discours pour élaborer une religion, pour enclencher les mécanismes enfouis dans leur mémoire profonde. Ils n'agissaient pas par calcul, ils étaient sincères, mais ils ne se rendaient pas compte qu'ils initiaient un nouveau cycle de tourments, qu'ils édifiaient les murs d'une nouvelle prison.

Celui qui ressent est vivant, celui qui veut est mort.



vendredi 25 février 2005

Castoria - bis

Ce que j'aime fouiner sur Internet !! Le billet précédent est à peine enregistré que je tombe sur une seconde critique de Une Société à la dérive, sur Chronic'art cette fois. J'aime tout particulièrement le passage cité en fin d'article.

"Ce qui est à changer, ce sont les attitudes de l’homme contemporain, de la société contemporaine, son idée des fins de la vie, de ce qui est important, de ce que nous sommes et devons être les uns pour les autres. La vraie politique, c’est cela, et en ce sens la vraie question de l’époque est la question politique, et cela à un degré d’autant plus aigu que l’on proclame plus bruyamment le contraire".

Allez hop ! Je mets tout en gras tellement ça me semble important. Et si jamais, par désoeuvrement et pur hasard, je me retrouve dans une librairie généraliste (pas ma petite crèmerie préférée donc !), je sais ce qu'il me reste à acheter.



Pas lu, pas pris !

Une société à la dérive

C'est grâce à Takis Fotopoulos, l'auteur de VERS UNE DEMOCRATIE GENERALE - une democratie directe, economique, ecologique et sociale, dont j'aurais certainement l'occasion de dire tout le bien que je pense, que j'ai mémorisé le nom de Castoriadis. C'est pourquoi je me suis intéressé à la critique du recueil de ses entretiens, Une société à la dérive. Entretiens et débats 1974-1997 (Seuil), que j'ai vu sur le site littéraire de l'Express.


















Selon lui, le dynamisme capitaliste a besoin d'être canalisé par des «types anthropologiques qu'il n'a pas créés et qu'il n'aurait pu créer lui-même»: «Des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres et wébériens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle.» Des «types» légués par des périodes historiques antérieures et que le capitalisme, qui n'en a que faire, détruit: «L'honnêteté, le service de l'Etat, la transmission du savoir, la belle ouvrage, etc.» Ainsi, «de même qu'il vit en épuisant les réserves naturelles», «le capitalisme vit en épuisant les réserves anthropologiques constituées pendant les millénaires précédents». D'où, dans les sociétés d'abondance, la «montée de l'insignifiance», liée à la «transformation des humains en machines à produire et à consommer». Les existences individuelles, de plus en plus dépolitisées, se soumettent au «conformisme généralisé» d'une marchandisation sans limites aboutissant à une «décomposition des sociétés occidentales», mises en danger par «la privatisation, l'apathie, l'inimaginable dégradation du personnel politique».

Je découvre cette idée de types anthropologiques, créés au cours de l'histoire humaine, et que le capitalisme épuiserait de manière comparable aux ressources naturelles. Ainsi, de la même façon que le pétrole est le résultat de phénomènes de sédimentation à l'échelle géologique, on peut considérer les modèles d'êtres humains en société comme le résultat de siècles de maturation. Se pose alors la question de la vitesse à laquelle ces modèles ou "types anthropologiques" se reconstituent.

Je suis bien persuadé que la pensée de castoriadis est d'une richesse impressionnante. Cela fait donc un livre supplémentaire à lire. Si un visiteur de ce modeste espace d'expression qu'est ce blog a eu l'occasion de lire ce livre, je suis tout à fait intéressé pour connaître les impressions ou idées retenues consécutives à la lecture. A bon lecteur, salut !



lundi 21 février 2005

Les extrêmes - suite et fin

Voilà, le bouquin est refermé, posé sur la table, prêt à retourner sagement sur son étagère de la bibliothèque. Qu'en dire ? Que l'on retrouve dans Les extrêmes les univers virtuels d'Existenz du même Christopher Priest (qui a été adapté au cinéma par David Cronenberg) ? Que l'auteur creuse les thèmes du deuil et de la mémoire tout en jouant avec la perception de la réalité ? Qu'il le fait avec brio ? Que le caractère fantastique de l'intrigue n'a finalement que peu d'importance par rapport à l'analyse psychologique des personnages ? Que la violence des situations dans lesquelles les extrêmes plongent les personnages est frappante compte tenu de la perception aigüe de réalité ? Mais qu'elle est finalement sans doute en-deça de ce que proposent les jeux actuels ? Que l'auteur a du talent et qu'il sait captiver son lecteur ? Oui, tout ça et sans doute plus encore.

J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à cette lecture. Et elle rentre sans doute en résonnance avec d'autres lectures récentes pour me faire réfléchir, ce qui est toujours bon à prendre !! J'en redemande !



samedi 19 février 2005

Les extrêmes

Les extrêmesJuste pour le plaisir de poster et de voir ce nouveau blogue se remplir un petit peu. J'ai suivi les conseils avisés de Kanux (dont je ne saurais trop vous recommander le blogue : L'autoroute sauvage) en me procurant lors de ma dernière razzia en BM (Bibliothèque Municipale et non la bagnole) Les extrêmes de Christopher Priest. Il en avait dit le plus grand bien ici, et je me suis laissé tenter. Parfois, en s'aventurant dans les premiers chapitres d'un nouveau livre, on arrive à se faire très rapidement une idée de sa qualité. Et là, je ne sais pas encore si l'histoire va titiller mes neurones, même pas si elle me plaira, mais je sais que son auteur, lui, me plaît énormément. J'aime son style qui s'attarde auprès des personnages, de leur histoire et de leurs sentiments. Il ne nous les présente pas nus exposés à la lumière blafarde d'un néon clignotant, mais se prépare à les effeuiller pour notre plus grand plaisir et en toute intimité.

Résultat : cet après-midi nous étions à Dinan (Nicole Garcia est en train d'y tourner quelques séquences avec Benoit Magimel pour son prochain film) et j'ai profité du passage au Poche Café pour me procurer Le monde inverti du même Christopher Priest. Mon crémier préféré voudra bien me pardonner cette - toute petite - infidélité.



Calendrier

février 2005 »
lunmarmerjeuvensamdim
123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
28