Amnésie temporaire

Limitation aux situations moyennes

Où comment il est très difficile de vraiment envisager le pire

Un entretien dans le Libé du 02 septembre avec Patrick Lagadec, spécialiste de la gestion de crise. Il pointe du doigt un élément qui me semble important dans le cadre de la gestion de crises. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que cela s'applique aussi à la gestion des problèmes globaux, qu'ils soient écologiques (le réchauffement climatique), économiques (l'ère de l'énergie chère) ou civilisationnels (l'impossibilité de la généralisation d'un mode de société basé sur le développement et la croissance économique).

Un nouvel exemple d'un problème plus fondamental, classique des situations de crise : aller au-delà des cadres mentaux habituels ne nous est pas aisé, pour les dirigeants comme pour la population. Les uns et les autres, nous sommes enclins à limiter nos réflexions et nos actions aux situations moyennes. (...)

Mon expérience des exercices de crise ou des colloques sur le sujet montre que, si vous proposez de travailler sur l'extrême ou l'inconcevable, vous déstabilisez vos interlocuteurs. Ce qui est extrême est insignifiant, dit-on souvent. Or c'est justement de cela qu'il s'agit lorsqu'il faut se préparer ou réagir à un événement comme le cyclone Katrina où chacun des éléments de la crise ­ les digues qui lâchent, les pillages, la difficulté à évacuer les personnes restées sur place... ­ sort des cadres. Je ne suis pas sûr que l'on aurait accepté d'émettre l'hypothèse d'une interruption des vols d'hélicoptères parce qu'ils se font tirer dessus par des individus armés dans une simulation de crise. Impossible, se serait-on écrié. Il est indispensable d'être excellent à l'intérieur des cadres habituels pour la plupart des situations. Mais oser se poser des questions hors cadre, c'est là qu'on nous attend, décideurs, experts, grand public.

Nous sommes tous actuellement dans la situation de l'habitant de la Nouvelle Orléans qui sait qu'un ouragan potentiellement dévastateur arrive et qui ne veut ou ne peut pas partir. Nous sommes des habitants de la Terre, des ouragans arrivent, et nous envisageons juste de fermer les volets et d'acheter quelques bouteilles d'eau et boîtes de conserve.

Oser poser des questions hors cadre est extrêmement difficile. Nos hommes politiques, dans leur très très grande majorité, ne le peuvent pas, ne le conçoivent même pas. Ne les attendons pas !

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Commentaires

1. Le jeudi 29 septembre 2005 à 02:21, par 101010 :: site

Watzlawick n'est pas loin :]

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